 
          
            mag'
          
        
        
          
            25
          
        
        
          découper les migrations d’aujourd’hui entre les migra-
        
        
          tions politiques et les migrations économiques.
        
        
          Vous avez longuement étudié l’histoire de
        
        
          l’immigration maghrébine en Europe. Pouvez-vous
        
        
          nous dire quelles sont les différences avec la vague de
        
        
          migration actuelle en provenance du Maghreb?
        
        
          Ce sont des migrations qui ont démarré après la
        
        
          Première Guerre mondiale. Toutes ces populations en
        
        
          provenance notamment de l’Algérie, dans les années 30,
        
        
          50 et 60 ont migré dans une temporalité coloniale. Les
        
        
          personnes qui se déplaçaient le faisaient avec le senti-
        
        
          ment à la fois d’être dans un espace culturel commun et
        
        
          mixte, et tout en possédant un rapport ambigu à la
        
        
          France, puisque c’était une France dominatrice, une
        
        
          France coloniale. Cette immigration était relativement
        
        
          importante : il y avait environ 100 000 Algériens en
        
        
          France en 1939, puis 250000 à la veille de la guerre d’Al-
        
        
          gérie. Aujourd’hui, les immigrations provenant du
        
        
          Maghreb s’effectuent dans des situations d’indépen-
        
        
          dance politique. Ces populations possèdent à la fois un
        
        
          attachement aux principes d’égalité politique de la
        
        
          France et une certaine distance en raison de leur quoti-
        
        
          dien vécu sur un mode inégalitaire. Leurs États de
        
        
          départ se sont constitués dans des combats politiques
        
        
          nationalistes. Et ils continuent d’exercer sur eux un sen-
        
        
          timent de loyauté. Ces immigrations ne peuvent être
        
        
          comparées à celles de l’Europe centrale. Il ne s’agit pas
        
        
          simplement d’une question religieuse, d’islam. L’histoire
        
        
          coloniale est passée par là.
        
        
          Quelles mesures faudrait-il mettre en place pour
        
        
          obtenir une politique de l’immigration juste et
        
        
          efficace?
        
        
          Cela relève de la politique des États. J’ai un travail d’his-
        
        
          torien, d’« intellectuel », un de ceux qui essayent de
        
        
          Grand angle
        
        
          
            Frontières
          
        
        
          , une exposition du Musée de l’histoire de
        
        
          l’immigration
        
        
          Comment les frontières influencent-elles le processus
        
        
          migratoire ? Comment se sont-elles complexifiées ?
        
        
          Comment modifient-elles les sociétés qui les édifient ?
        
        
          Autant de questions et d’enjeux décryptés au sein de
        
        
          l’exposition
        
        
          
            Frontières
          
        
        
          , prolongée jusqu’au 3 juillet au
        
        
          Musée de l’histoire de l’immigration. Photographies,
        
        
          objets de mémoire, articles de presse, vidéos, témoi-
        
        
          gnages, œuvres littéraires, etc. permettront aussi de
        
        
          retracer les histoires singulières de ceux qui les tra-
        
        
          versent aujourd’hui.
        
        
          Lieu d’exposition, de rencontre et de débat, centre de
        
        
          recherche et de diffusion, doté d’une riche program-
        
        
          mation culturelle, le Musée de l’histoire de l’immigra-
        
        
          tion a pour mission de faire connaître et reconnaître le
        
        
          rôle de l’immigration dans la construction de la France.
        
        
          Musée de l’histoire de l’immigration
        
        
          Palais de la Porte Dorée
        
        
          293, avenue Daumesnil 75012 Paris
        
        
        
          signaler les manques, les problèmes, en particulier de
        
        
          mémoire, d’éducation. En tant que président du Conseil
        
        
          d’orientation du Musée de l’histoire de l’immigration, je
        
        
          cherche à intéresser les Français à une histoire qu’ils
        
        
          croient être totalement différente de la leur. Or c’est une
        
        
          histoire ancienne, leur histoire. Le Musée de l’histoire de
        
        
          l’immigration n’a pas pour but de raconter une histoire
        
        
          séparée de l’histoire nationale mais au contraire de l’en-
        
        
          richir. Il faut réfléchir à la manière de présenter cette
        
        
          histoire. Car la question migratoire fait peur aujourd’hui.
        
        
          Il y a une perte de confiance dans la capacité de la
        
        
          France à rester une grande puissance mondiale sur le
        
        
          plan économique et culturel. Avec des conséquences sur
        
        
          le regard porté sur l’autre, tenu responsable de tout. Les
        
        
          difficultés économiques ont aussi des répercussions sur
        
        
          le plan culturel, identitaire... Ce qui aggrave la situation.
        
        
          Il faut davantage montrer ce qu’est l’histoire de cette
        
        
          immigration, ses apports successifs. Il faut montrer ce
        
        
          qu’on appelle les minorités, dans la société française: les
        
        
          dirigeants des fédérations sportives, d’universités, des
        
        
          grandes entreprises… Or il y a un plafond de verre très
        
        
          difficile à franchir. C’est une vraie bataille. Il y a ceux qui
        
        
          prônent le repli sur soi, l’exclusion. Un courant politique
        
        
          très puissant mais paresseux s’exerce sur ce terrain. Il
        
        
          avance des slogans qui font plaisir aux gens mais qui ne
        
        
          résolvent rien. Parce que les millions de gens qui ont des
        
        
          origines différentes ne repartiront pas.
        
        
          D’autre part, il y a une attitude qui consiste à dire : «
        
        
          
            La
          
        
        
          
            France est plurielle. Il y a des millions de gens d’origines
          
        
        
          
            différentes
          
        
        
          ». Que fait-on de cela ? Comment la France
        
        
          peut regarder son histoire en face et servir d’exemple ?
        
        
          Retrouver une place importante, celle du rayonnement
        
        
          culturel ?
        
        
          
        
        
          Propos recueillis par Aurélie Verneau