Le Cnam mag' #5 - page 16

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Virus Zika et microcéphalie
C
’est cette dernière manifestation de l’infection
virale qui est aujourd’hui la plus préoccupante.
L’alerte a été lancée par le Brésil, qui signale en
novembre 2015 une augmentation importante du
nombre d’enfants nés avec des têtes de petite taille, dits
microcéphales. Cette augmentation suit de quelques
mois l’arrivée du virus dans les territoires concernés,
suggérant un lien entre le virus Zika et ces complications
neurologiques détectées chez les nouveau-nés.
Pour répondre à cette question, nous nous sommes rap-
prochés de nos collègues de Polynésie française qui
avaient connu une épidémie de grande ampleur en 2013-
2014 : plus de la moitié de la population avait été infectée
par le virus Zika. En consultant les registres de diagnos-
tic prénatal de malformations congénitales, et ceux des
maternités, nous avons identifié huit fœtus et nouveau-
nés diagnostiqués avec microcéphalie sur une période
de deux ans encadrant les six mois de l’épidémie de
Zika. Un des huit cas avait eu lieu à distance
de l’épidémie, et nous a donné le taux de
sur venue des microcéphalies en
Polynésie française hors épidémie de
Zika : 2 pour 10000 naissances, simi-
laire à celui observé en Europe. Pour
les sept autres cas, une partie de la
grossesse coïncidait avec la période
épidémique, et nos collègues modéli-
s a t e u r s d e l ’un i t é d e S imo n
Cauchemez à l’Institut Pasteur ont
conclu que le modèle reproduisant au
mieux les données observées stipulait une
infection de la mère au premier trimestre de la
grossesse, avec pour les mères infectées un risque de
1% d’avoir un enfant atteint de microcéphalie. Ces don-
nées ont été publiées dans le journal
The Lancet
1
. Depuis,
plusieurs études ont confirmé le lien entre le virus Zika
et les microcéphalies : infection en laboratoire de cel-
lules souches neurales par le virus Zika ; présence de
virus Zika dans le cerveau de fœtus examinés après
interruption de grossesse pour microcéphalie ; et surve-
nue de microcéphalies chez des enfants dont les mères
avaient eu une infection Zika documentée en début de
grossesse. Le suivi de ces femmes infectées a d’ailleurs
montré que les microcéphalies n’étaient qu’une partie
des complications neurologiques associées avec une
infection en cours de grossesse. D’autres complications
sont possibles, comme les atteintes de la vue ou de l’au-
dition, les troubles du comportement, et l’épilepsie, qui
font que l’on parlera prochainement du syndrome
congénital lié au virus Zika, comme on le fait également
pour le virus de la rubéole ou le cytomégalovirus.
Nous sommes aujourd’hui démunis face à ce risque : pas
de traitement pour le virus Zika, et pas de vaccin pour
protéger les femmes en âge de procréer. Au mieux, un
vaccin sera disponible dans trois ans. D’ici là, les seules
mesures disponibles sont une protection contre les
piqûres de moustique et un suivi attentif des gros-
sesses (échographie et tests diagnos-
tiques), sachant que l’infection étant
le plus souvent asymptomatique.
Toute femme enceinte doit être étroi-
tement surveillée tout au long de la
grossesse en zone épidémique.
Plusieurs pays d’Amérique latine dis-
cutent aujourd’hui l’élargissement des
conditions d’interruption de grossesse
pour les rendre applicables aux malfor-
mations liées aux infections par le virus
Zika. Pour les femmes vivant hors des
régions touchées, il est vivement recommandé
de ne pas se rendre en zone épidémique si elles sont
enceintes.
Arnaud Fontanet
Le 1
er
février 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait le virus Zika «urgence de
santé publique de portée mondiale ». À cette date, plusieurs centaines de milliers de personnes
avaient déjà été infectées en Amérique latine, et ce virus transmis par les moustiques du genre
Aedes
et jusqu’alors considéré comme bénin, était suspecté d’être responsable de complications
neurologiques graves : des syndromes paralytiques connus sous le nom de syndromes de Guillain-
Barré chez l’adulte, et des malformations cérébrales chez les enfants nés de mères infectées pen-
dant leur grossesse.
Recherche
1:
Cauchemez
S., Besnard M.,
Bompard P., et
al., "Association
between Zika virus
and microcephaly
in French
Polynesia, 2013-
15: a retrospective
study".
The
Lancet
. 2016 Mar
15. pii: S0140-
6736(16)00651-6.
I...,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15 17,18,19,20,21,22,23,24,25,26,...50
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