Le Cnam mag' #5 - page 11

mag'
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L
a criminalité financière désigne des activités finan-
cières illégales échappant aux lois des différents
pays. C’est un vaste domaine drainant des mon-
tants financiers gigantesques – sans doute de plusieurs
milliers de milliards d’euros par an – et dont David Levitt
a fait un objet d’investigation scientifique appelé
Freakonomics
que nous dénommons plus spécifique-
ment «
Freaks management
». Les scandales financiers
sont anciens si l’on songe à la célèbre pyramide de
Charles Ponzi dans les années 1920 mais la révolution
informatique tend probablement à maximiser les
sommes d’argent «sale» en jeu aujourd’hui.
Dans le détail, la criminalité financière recouvre tout
d’abord les activités financières illégales au sein d’une
organisation que les auditeurs et contrôleurs internes et
externes doivent détecter. Ainsi, un comptable détourne
pour son compte des revenus de l’entreprise. En
exemples médiatisés, citons les sociétés Parmalat en
Italie ou Enron aux États-Unis qui enregistraient du
chiffre d’affaires fictif au travers de fausses factures ou
bien le trader Jérôme Kerviel de la Société générale qui
réalisait du
trading
clandestin de plusieurs dizaines de
milliards d’euros d’encours. Ensuite, elle recouvre des
activités financières illégales ou les criminels recourent
à des tiers ou des dispositifs exogènes pour réaliser
leurs fraudes. Par exemple, les activités de blanchiment
du banditisme sous toutes ses formes : prostitution,
drogue, braquages, corruptions, ventes d’armes, etc.
Celles-ci nécessitent une «blanchisseuse » comme un
casino, un restaurant, une boîte de nuit, voire un stade
de football permettant aux criminels de justifier en aval
(argent blanchi) des gains illicites réalisés en amont
(argent sale).
Le recours aux sociétés offshores ou extraterritoriales
dont le siège est situé dans des paradis fiscaux peut être
classé dans cette catégorie « exogène ». Ainsi, lors du
scandale actuel dit des
Panama Papers
, des journalistes
ont pu démasquer grâce à des lanceurs d’alerte (
whisle-
blowers
) le système d’ingénierie juridique du cabinet
panaméen Mossack Fonseca pour créer des sociétés
dans des paradis fiscaux ce qui n’est pas (encore) inter-
dit. Mais ces sociétés servaient d’écran, ce qui est inter-
dit, soit à des clients de grandes banques pour faire de
l’évasion fiscale, soit à des truands – y compris des dic-
tateurs – pour blanchir de l’argent sale ou « des biens
mal acquis».
Laurent Cappelletti
De l’événement au
mouvement : les
initiatives citoyennes
Criminalité financière et
comptes offshores : de
quoi parle-t-on?
N
uit Debout a été considéré comme un événement
soudain que rien n’annonçait. La surprise a
engendré une forte médiatisation et des analyses
controversées. Inutile de rajouter des commentaires à
cette avalanche de jugements contradictoires.
L’hypothèse développée ici procède d’un changement de
focale, il s’agit de mettre en évidence que Nuit Debout
n’est pas un phénomène isolé mais une traduction parmi
d’autres d’un mouvement de fond qui traverse les socié-
tés du monde entier: la montée des initiatives citoyennes.
Comme Nuit Debout, les printemps arabes, les révoltes
indigènes, les Indignés ou
Occupy Wall Street
n’ont pas
été des manifestations inattendues et éphémères. Dans
tous les cas, elles ont été précédées par des démarches
associatives, formelles ou informelles, et facilitées par le
recours aux réseaux sociaux, l’articulation des deux
ayant permis de sortir du sentiment d’impuissance par
rapport à l’évolution du monde.
D’un point de vue synchronique comme diachronique, ce
qui importe donc pour saisir la teneur de ces initiatives
est de souligner leur multi-dimensionnalité. Le problème
est qu’elle reste largement ignorée par une grande par-
tie des sciences sociales et économiques obnubilées par
le marché et l’État mais aussi occidentalo-centristes,
incapables d’appréhender ce qu’apportent les épistémo-
logies et expériences du Sud.
Avec les initiatives citoyennes, qui mélangent contesta-
tions et actions concrètes, c’est la diversité institution-
nelle qu’il s’agit d’aborder.
La question n’est donc pas de savoir quel sera le sort de
Nuit Debout mais si les initiatives citoyennes actuelle-
ment en cours seront en mesure de modifier le cadre
institutionnel pour faire une plus large place à la diver-
sité. La conclusion d’
Associations et action publique
1
,
livre basé sur une large mise en perspective internatio-
nale, le souligne : pour que le monde soit vivable demain,
la sociodiversité est aussi nécessaire que la
biodiversité.
Jean-Louis Laville
3
4
Actualités
1:
Laville, J-L.;
Salmon, A., 2015,
Associations et
action publique
,
Paris, Desclée de
Brouwer.
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