Le Cnam mag' #5 - page 30

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mag'
Le temps des migrants,
au Cnam
A
insi, la question de l’accueil des migrants va bien
au-delà des débats sur des modalités pratiques,
juridiques d’une inclusion de nouveaux venus
dans une société touchée elle-même par des difficultés
sociales et économiques considérables. Elle interroge
les valeurs qui donnent sens aux sociétés démocra-
tiques, valeurs qui, souvent, sont dans le meilleur des
cas jugées obsolètes, trop éloignées des réalités d’au-
jourd’hui, ou, dans le pire des cas, condamnées par des
systèmes de pensée sectaires, fondés sur l’exclusion
radicale d’une partie de l’humanité.
Héritier de l’abbé Grégoire, son fondateur, le Cnam s’en-
gage à nouveau dans la promotion d’une solidarité fon-
dée, sur l’engagement de toutes et tous, au-delà de la
seule défense des droits des personnes. On se rappellera
que l’abbé Grégoire fut un ardent défenseur des valeurs
portées par la Révolution française. Appelé « 
l’ami des
hommes de toutes les couleurs
», il a été très actif dans
la lutte contre l’esclavage et dans la reconnaissance des
droits civiques de personnes qui ne paraissaient pas,
d’emblée, pouvoir accéder à la citoyenneté.
Riche de son passé, le Cnam se positionne sur ces ques-
tions avec ses compétences propres, ses missions en
matière d’enseignement et de recherche. Son public a
toujours été composé de personnes ayant des parcours
singuliers, marqués par des ruptures, des recherches
d’insertion professionnelle, des demandes de reconnais-
sance de compétences acquises au cours d’itinéraires
personnels souvent compliqués. L’actualité récente ren-
force les attentes de personnes pour lesquelles les
déplacements géographiques, dans l’urgence, avec des
prises de risques considérables, se retrouvent non seu-
lement dans des demandes d’emploi, de logement, d’ac-
cès aux droits sociaux, mais passent aussi par des
besoins de formation et de qualification.
Un des chantiers que le Cnam souhaite ouvrir est celui
de la prise en considération des compétences acquises
par les migrants, à la fois avant leur départ du pays
d’origine où ils ont pu acquérir déjà des qualifications et
avoir un métier, mais aussi dans leur parcours de
migrants. Lorsque ces compétences sont identifiées,
elles doivent permettre des formes d’accompagnement
spécifiques, en lien avec ce que pourrait être une valida-
tion des acquis de l’expérience (VAE) pour des migrants.
Cela signifie l’ouverture d’un champ d’expérimentations
pédagogiques tout à fait innovant, qui valorise des
savoirs d’action, des savoirs d’expérience qui vont bien
au-delà de la capacité à apprendre la langue française et
à acquérir des compétences techniques limitées à des
offres d’emplois peu qualifiés.
Encore faut-il pouvoir mobiliser des ressources pour
faciliter ces démarches : même si les personnes
migrantes ont montré leurs capacités d’autonomie en
traversant des épreuves dures, en milieux hostiles, elles
ont besoin d’appuis, notamment avec des formateurs
eux-mêmes formés. Le Cnam doit donc s’engager dans
une double voie : la formation des migrants en utilisant
ses propres ressources en matière de VAE et la forma-
tion de formateurs ayant un haut niveau d’expertise.
Cette formation est à construire. Elle implique la
connaissance des phénomènes migratoires, des capaci-
tés à identifier des besoins et des possibilités d’inscrip-
tion de migrants dans des parcours de formation
diversifiés, en phasant les étapes pour des objectifs
atteignables à court, moyen et long termes. Sans doute
faut-il concevoir une plateforme d’information et d’orien-
tation, en lien avec les différentes équipes pédagogiques
nationales.
Cependant, avant d’en arriver là, il importe déjà de
contribuer à l’accueil de personnes souvent démunies et
perdues, de restaurer des capacités de communication
avec, si besoin, des traducteurs, d’entendre leurs
demandes plutôt que de les inscrire d’emblée dans une
programmation conçue pour leur bien, mais sans elles.
Le colloque du 27 juin 2016, au Cnam, est une première
étape.
Les migrations ne constituent pas un phénomène nouveau. Mais elles sont devenues une préoccu-
pation centrale, à la fois en raison de leur ampleur, de la gravité des conflits qui ont accéléré leur
développement, de la médiatisation de drames qui leur sont associés. Elles suscitent des réactions
multiples, contrastées, allant de la compassion à l’indifférence, voire au rejet.
Par
Marcel
Jaeger
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